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Les Regrets.

28 octobre 2020

Epilogue.

"- Alors vous me détestez toujours ?

- Croyez-le ou non, je n’ai jamais eu le moindre sentiment de rancune contre vous. Je n’ai jamais pensé que c’était de votre faute.

- J’ai été obligée de faire ce que j’ai fait, c’était ça ou devenir folle. Vous savez que je n’exagère pas. Evidemment je ne m’attendais pas à ce que vous alliez souffrir autant. Vous aviez tellement bien caché vos sentiments. Mais même quand j’ai su que vous étiez là-bas je n’ai pas regretté ma décision. Je savais que, malgré tout, vous aimez la vie et que vous alliez lutter pour vous en sortir.

- C’est vrai, j’ai lutté mais je m’en suis sorti. Au début, grâce à toutes sortes de médicaments : des gouttes pour dormir, des cachets pour rester calme…il y avait même des pilules pour devenir joyeux. Si si. C’est pas très romantique mais je trouve ça amusant, l’idée que les histoires d’amour qui se finissent mal peuvent se guérir avec de la pharmacie. C’est amusant.

- Non, ce n’est pas amusant. Vous l’avez peut-être oublié, ou bien alors nous ne nous sommes pas raconté la même histoire mais c’est vous qui avez donné le signal du départ. Je suis certaine que vous me prépariez pour la rupture depuis longtemps. Ces piles de livres que vous emportiez de la maison pour les entreposer je-ne-sais-où. Et puis, tenez, je me souviens très bien : chaque fois que vous partiez en voyage je n’avais pas le droit de vous aider à faire votre valise. Vous vouliez toujours me montrer votre indépendance, votre autonomie, le côté « j’aime la solitude, moi je n’ai besoin de personne ».

- Mais en réalité je n’avais besoin que d’une personne, c’était vous, mais je m’en rendais pas compte. Au début je vous ai aimée sans le savoir et puis après en le sachant mais pour vous c’était fini.

- Oui, c’est arrivé peu à peu. Bon, je sais que ça ne sert à rien de…de tout examiner à retardement mais je crois qu’il y a eu un moment où j’aurais dû être tout à fait nette avec vous, plus claire.

- Ne croyez pas cela, votre visage parlait pour vous. Dans les derniers temps, je vous observais : votre regard était devenu plus jeune, plus fier aussi. A cause de cela j’ai compris que j’étais en train de sortir de votre vie. A cette époque-là, si j’avais été capable d’exprimer les choses directement, je vous aurais dit : « Vera, vous êtes en train de vous libérer de moi, vous avez de la chance, je vous envie ».

- Oui, j’ai fait ça pour me libérer de vous. Mais ça n’a pas été facile, j’ai passé par une période effrayante. Je passais toutes mes journées dans le noir, à essayer de récapituler notre histoire, quand est-ce que les choses ont commencé à mal tourner. Je ne savais plus qui j’étais, quand je marchais dans la rue, j’avais une impression d’irréalité totale : je ne sentais plus ma tête ni mon corps. Ah, c’était le trou noir.

- Pendant longtemps, quand je traversais Paris je faisais des détours incroyables pour éviter la Place de Clichy."

L'Homme qui aimait les femmes, F. Truffaut, 1977.

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